Dividendes : Pourquoi ne sont-ils pas des charges ? Comprendre leur fiscalité

Les dividendes ne figurent jamais en charges dans les comptes d’une société, même si leur versement réduit la trésorerie disponible. Le plan comptable général les classe systématiquement en distribution de bénéfices, distincte des frais opérationnels.

Leur traitement fiscal diffère aussi de celui des salaires ou des intérêts d’emprunt. L’imposition des dividendes, soumise à des règles spécifiques en 2024, crée des arbitrages complexes pour les dirigeants d’entreprise souhaitant optimiser leur rémunération. Les modalités de prélèvement et d’imposition directe influencent fortement la rentabilité nette perçue par les actionnaires.

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Dividendes : une rémunération à part, souvent source de confusion

Le dividende occupe une place singulière dans la finance d’entreprise. Contrairement à la rémunération du travail ou de la gestion, il incarne la récompense du risque pris et du capital investi. Recevoir un dividende, c’est toucher la part de bénéfices que la société choisit de distribuer, une fois toutes les charges payées et les obligations fiscales remplies. Ce n’est ni un dû ni un automatisme : l’assemblée générale détient le pouvoir de décider du montant, de la fréquence et des modalités du versement. Sans accord collectif et sans bénéfice suffisant, rien n’est distribué.

Voici les principales formes et modalités de versement de dividendes :

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  • Dividendes perçus : ils proviennent du résultat net, et peuvent aussi être alimentés par des réserves ou des primes d’émission versées
  • Distribution : possible en numéraire (argent) ou en actions, selon ce que prévoient les statuts et la volonté des associés
  • Dividende exceptionnel : décidé lors d’événements ponctuels, comme une cession ou une fusion

Distribuer des dividendes ne relève jamais d’une dépense opérationnelle. Il s’agit toujours d’utiliser la rentabilité générée, jamais d’une charge à soustraire pour réduire l’impôt. Cette séparation nette entre dividende et salaire devient un vrai levier stratégique pour le dirigeant, dont le statut (TNS, assimilé salarié, associé minoritaire, holding…) conditionne le pilotage de ses revenus.

Le compte courant d’associé, le capital social et les primes d’émission déterminent les plafonds de distribution, surtout dans les SARL et SAS. La provenance des sommes (bénéfices, réserves, primes) ajoute une couche de complexité, d’autant que chaque forme juridique impose ses propres règles et formalités.

Pourquoi les dividendes ne sont-ils pas considérés comme des charges pour l’entreprise ?

Du point de vue comptable, le dividende n’a rien à voir avec une charge. Un salaire rémunère un travail, figure parmi les charges déductibles, allégeant ainsi le résultat fiscal. Le dividende, lui, intervient une fois le bénéfice net déterminé. Rien à voir avec une dépense nécessaire au fonctionnement de l’entreprise : il s’agit d’une redistribution, décidée une fois l’activité bouclée, les comptes validés, l’impôt réglé et l’assemblée générale réunie.

Pas de place à l’interprétation : une charge opérationnelle correspond à une dépense incontournable pour générer du chiffre d’affaires, salaires, loyers, achats, amortissements. Le dividende, lui, n’a de raison d’être que si la société a prospéré et dégagé un bénéfice. La fiscalité française ne mélange pas les rôles : seuls les versements en échange d’un service ou d’un travail peuvent être déduits du résultat.

Il faut bien comprendre la logique sous-jacente. Les associés ou actionnaires investissent dans l’entreprise, acceptent le risque et ne bénéficient d’aucune garantie quant à la perception d’un dividende. Ce mécanisme s’oppose à la régularité du salaire, qui, lui, est contractuel.

Pour clarifier cette distinction, voici ce qui distingue salaire et dividende dans la gestion d’une entreprise :

  • Salaire : charge déductible, versée en échange d’un travail effectif
  • Dividende : non déductible, attribué en contrepartie d’un apport en capital

La doctrine fiscale française reste inflexible. Permettre la déduction des dividendes reviendrait à réduire artificiellement la base imposable à l’impôt sur les sociétés, et donc à priver l’État d’une part de ses recettes. Pour l’administration comme pour la société, le dividende reste à la marge du circuit des charges.

Fiscalité des dividendes en 2024 : ce qu’il faut vraiment savoir

La fiscalité des dividendes a évolué pour devenir un système multicouche. Depuis 2018, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), plus communément appelé « flat tax », s’applique par défaut lors de la distribution. Le taux de 30 % rassemble 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux. Ce prélèvement s’effectue dès le versement grâce au prélèvement forfaitaire non libératoire (PFNL).

Le bénéficiaire conserve une option : choisir le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Cette alternative ouvre droit à un abattement de 40 % sur les dividendes bruts, avantage réservé à l’impôt sur le revenu mais pas aux prélèvements sociaux. La CSG déductible (6,8 %) permet aussi de réduire l’impôt à payer l’année suivante. Ce choix s’avère pertinent quand le taux marginal d’imposition reste raisonnable.

Certains dispositifs offrent des régimes plus favorables. Par exemple, le plan d’épargne en actions (PEA) permet, au bout de cinq ans, de toucher des dividendes sans impôt (hors prélèvements sociaux). Les holdings peuvent utiliser le régime mère-fille : 95 % des dividendes reçus échappent alors à l’impôt sur les sociétés, seule une fraction de 5 % restant soumise à imposition.

Les principaux dispositifs fiscaux applicables aux dividendes en 2024 sont listés ci-dessous :

Schéma d’imposition des dividendes en 2024

  • PFU à 30 % appliqué par défaut (12,8 % IR + 17,2 % prélèvements sociaux)
  • Option pour le barème progressif (abattement de 40 % sur l’impôt sur le revenu, CSG partiellement déductible)
  • PEA : absence d’impôt après 5 ans de détention
  • Régime mère-fille pour holdings : quasi-exonération des dividendes reçus

La déclaration des dividendes perçus doit s’effectuer chaque année, via la fameuse case 2DC de la déclaration d’impôt. Même si le prélèvement à la source a déjà eu lieu, l’obligation de déclarer reste entière.

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Dividendes ou salaires : comment choisir selon sa situation d’entrepreneur ?

Choisir entre dividendes et salaire influence en profondeur la gestion de la rémunération du dirigeant. Que l’on soit associé de SARL, gérant d’EURL ou président de SAS, ce choix touche à la fois la fiscalité, la protection sociale et l’efficacité patrimoniale.

Le salaire, attribué en tant que dirigeant, est déductible du résultat fiscal de l’entreprise. Il ouvre l’accès à la retraite, la maladie, la prévoyance, mais entraîne un poids non négligeable de cotisations sociales. Ce coût réduit la trésorerie de la société mais sécurise la couverture sociale du dirigeant. A contrario, le dividende se verse uniquement sur le bénéfice distribué, une fois l’impôt acquitté. Il ne peut être déduit, n’ouvre quasiment aucun droit social, sauf exceptions marginales.

Dans une SARL ou une EURL, le travailleur non salarié (TNS) paie des cotisations sociales sur ses dividendes dépassant 10 % du capital social, des primes d’émission et des apports en compte courant. Du côté des SAS ou SASU, les dividendes échappent à la sphère sociale : seule la flat tax ou, à la demande, le barème progressif s’applique. Cette différence structurelle pèse lourd dans la décision.

Une réflexion patrimoniale approfondie s’impose : le salaire garantit la protection sociale, les dividendes optimisent la fiscalité, et il est possible de mixer les deux en fonction de la structure, du statut et des ambitions. S’entourer d’un expert-comptable aguerri permet d’arbitrer au plus juste entre rémunération et distribution, pour coller à la réalité de l’entreprise et aux objectifs du dirigeant.

Dans ce jeu d’équilibre entre liberté, fiscalité et sécurité, le choix n’est jamais anodin. Et parfois, la meilleure option n’est pas celle qui saute aux yeux, mais celle qui s’ajuste au millimètre au profil de l’entrepreneur.